01/04/2017

La nécessité de la simplicité volontaire

Il y a peu je me trouvais dans une presse, et je me laissai tenter par le journal de la décroissance [1]. Il y avait un moment que je n’avais pas eu ce canard entre les mains, et il m’a remis quelques idées au clair. Toujours très pertinent malgré la redondance des thèmes, traitant les problèmes à la racine ; il redonne une vision dénuée de toute tentative d’entubage capitaliste. C’est le cas notamment de la rubrique « simplicité volontaire » [2] (que j’affectionne particulièrement), dans laquelle sont interrogées des personnes revendiquant ce choix de vie. En (re)lisant cette chronique, donc, j’ai vraiment pris conscience de son importance, de la nécessité pour chacun de faire ce pas de côté. Lorsque l’on tend vers un comportement plus sobre – à sa mesure, son échelle – on cherche à se contenter, à refuser de mordre aux appâts du « progrès » et du capital. Le monde qui en découle ne peut être que socialement et écologiquement plus sain. Il nécessite cependant de réintégrer des choses que l’on « sous-traite », mais cela apporte un épanouissement, une liberté sans commune mesure car il émancipe de certaines dépendances. Je n’avais jusqu’alors pas saisi la profondeur de ce que disait Illich [3], que vouloir plus de quelque chose c’est au détriment de quelqu’un d’autre. Et bien si je suis capable de répondre à mes propres besoins (autant soient peu frugaux), je n’impose à personne leur réalisation – par les biais détournés et complexes de la société, et d’autant plus mondialisée (là encore, je peux renvoyer au syndrome de la bouilloire [4]).
Bien entendu, il faut pondérer. Répondre à l’entièreté de ses besoins seul, ne serait-ce que primaires, est impossible ou alors relève d’individus aux capacités exceptionnelles. Je crois à l’organisation à petite échelle comme solution, à la multiplicité de foyers artisanaux interagissant. Et lorsque je pointe du doigt les « progrès », ils n’ont rien à voir avec les outils de la convivialité [5] qui n’inhibent pas l’autonomie. Ils sont autant de pièges déposés ici et là, à l’affût de nos mollets, et une fois mordus l’addiction et la dépendance agissent comme un venin avec pour finalité de nourrir toujours les mêmes.

La simplicité volontaire apparaît donc comme une philosophie de vie nécessaire à la sortie des problèmes environnementaux et sociaux, à la catastrophe qui point [6]. Elle propose d’évincer le superflu et de se réapproprier des savoirs-faire.
Encore faut-il que tout le monde intègre que cela est vital pour envisager de plus beaux jours à venir. Encore faut-il que chacun réalise l’urgence de la situation. Que chacun s’ouvre, puis comprenne et enfin agisse en ce sens ; trois étapes qui peuvent parfois être trop longues devant les bouleversements qui ont déjà commencé et qui vont s’accentuer prochainement. L’ensemble, la civilisation, le système sont tellement d’éléments lourds et complexes à orienter, à faire bouger, qu’il est essentiel de demander l’implication des démarches individuelles. Il est indispensable d’agir avant même d’aller voter et attendre la réalisation ( ! ) de légères promesses électorales [7]. Les blocs que forment les nations, elles-mêmes sous-ensembles d’organisations plus vastes, semblent indifférentes face à cela. Et pourtant, dans la plupart des esprits le problème est connu. Nous savons que le réchauffement climatique est LA menace latente. Il n’est juste pas intégré et considéré à la hauteur de ce qu’il devrait être : une préoccupation de tous les instants, par tous les gestes effectués, par chaque achat réalisé, lors de chaque trajet opéré. Toute initiative devrait être réfléchie, posée, afin de conduire à ce qui sera le moins néfaste pour tous, quitte à se l’interdire. C’est en cela que la simplicité volontaire peut aider. Elle propose l’abnégation du consumérisme, et la revalorisation de ce qui ne coûte rien, de ce qui ne gâche pas, de ce qui n’exploite pas ; elle est donc irrécupérable – comme l’idée de décroissance avec laquelle elle est liée – par le système capitaliste.

Nous devons continuer sans plus attendre à montrer que cette voie mène au bonheur simple, comme Serge Mongeau au Québec a pu le faire [8]. Qu’elle donne accès au plaisir durable, celui des petits riens mais qui font tout ; pas celui de l’achat compulsif regretté dans la foulée. Revenons tous ensemble aux liens humains, laissons les interactions via écran de côté. Que la simplicité volontaire atteigne la masse critique [9] pour qu’elle renverse ce système qui ne peut (et ne doit) plus durer !

Références :