09/05/2016

L'âge des low tech - Philippe Bihouix


Même si la technique employée par la bêtise humaine n'a pas (encore) atteint le niveau caricatural du diable l'emporte de René Barjavel, il est bon ton de la remettre un peu à sa place et d'en garder la maîtrise. Dans le roman d'anticipation de l'écrivain français, chaque nouvelle découverte scientifique, suivie d'une mise à disposition technique est là pour contrecarrer les effets indésirables de la précédente, mais finalement conduit à la perte de l'humanité et la destruction de la Terre. Écrit en 1948, il faut y voir à coup sûr une critique de l'arme atomique, du nucléaire de façon générale. Et bien que cette "avancée" ne nous dépasse pas tout à fait aujourd'hui – quoiqu'on peut constater le contraire lorsqu'on voit les conséquences ingérables de Tchernobyl et de Fukushima – la prochaine catastrophe pourrait bien nous précipiter dans le ravin sous les flammes, et le diable finira par l'emporter...

C'est dans cet esprit que je vous propose de lire l'âge des low tech de Philippe Bihouix, qui ne se contente pas de critiquer le nucléaire, loin de là. Constatant de façon fournie que la fuite en avant technologique ne résoudra pas les menaces qui nous pendent au nez, l'auteur étaye la thèse que la voie des high tech mène à l'impasse, d'autant que les ressources naturelles (dont le pétrole) fondent en laissant apparaître les limites de la planète dans un parfum de menace écologique globalisé. Une à une, les soit-disant solutions vertes sont proprement démontées et rendues à ce qu'elles sont : de la fumée.
L'ingénieur explore ensuite la piste des vraies solutions en s'attaquant à une palette assez large de domaines (ce qui fait la limite du livre comme le reconnaît l'auteur, car certains sujets manquent de profondeur). Vie quotidienne, agriculture, transport, travail, énergies, habitat, déchets, emplois, etc... sont observés sous un œil "basses technologies" afin d'amorcer une réelle transition vers une société vraiment durable (par contre le sujet des forêts nourricières n'est pas abordé). Avec une bonne pointe d'humour, il nous est offert un panaché de ce à quoi pourrait ressembler le monde dans 15/25ans (ça c'est moi qui le dit), pourvu qu'il soit vivable.
La première et meilleure des choses à faire, comme le revendique Philippe Bihouix, est de chercher d'abord à transformer sa façon de voir les choses, à abandonner la société de consommation et le totalitarisme marchand, et d'appliquer rapidement des solutions qu'il juge facilement recevables pour l'ensemble de la société.

Pour conclure, je disais récemment à quelqu'un qu'aller vers une société plus durable, ce n'est pas être radin mais économe. Les gens font souvent l'amalgame entre les deux. Commençons par donner et échanger ce qui ne coûte rien (à personne) mais qui servira ou fera plaisir, tout en se contentant de ce qu'on possède (d'ailleurs pourquoi absolument posséder?). Acheter le juste nécessaire redirigera l'emploi vers de vrais métiers, de l'artisanat, du concret et du local. Les liens directs, forts et sincères reprendront le dessus sur le superficiel et l'éphémère.
La "civilisation techniquement soutenable" défendue par le livre et à portée de tous.