Je viens de terminer
« L’esclavage moderne » de Léon Tolstoï, publié en 1900, et ce livre
s’inscrit dans ceux qui me bouleversent, déposent des germes de questionnements
au plus profond de mon être. Il m’ouvre en effet les yeux sur le travail salarié.
Bien que le terme « d’esclavage » paraisse fort si on le compare aux
conditions de l’esclavagisme en tant que tel, et que les conditions de travail
aient largement évolué depuis la rédaction de cet essai, il n’en reste pas
moins que je suis obligé de me lever tous les jours pour aller gagner ma vie,
tout en sachant que cela rapporte beaucoup plus à ceux qui sont au-dessus, en
occultant clairement une part de ma liberté. L’auteur le dénonce aisément, en
anticipant même que l’arrivée du socialisme productif ne changerait rien à
cela.
Tolstoï soulève également une
question intéressante en demandant ce qui pousse l’homme à soumettre sa liberté
pour en tirer un pécule à travers un labeur. Je me suis également posé cette
question, et vais tâcher d’y répondre comme je peux. Dès le plus jeune âge,
nous entrons pour la majorité dans un système éducatif de compétition adapté au
marché de l’emploi, auquel la scolarisation répond en proposant des diplômes
ajustés aux entreprises, et particulièrement aux multinationales. Un conditionnement
en bonne et due forme dont le fonctionnement n’est jamais remis en cause
radicalement, et qu’en tant qu’enfant immature il est impossible de déceler.
Bien entendu, ce n’est pas le seul système éducatif à remettre en cause. Il y a
aussi celui des parents, mais ils ont eux-mêmes été conditionnés, sont
salariés, et n’ont souvent d’autre choix que de nous offrir à la scolarisation
décrite ci-dessus. Pour ma part, j’ai suivi ce chemin jusqu’à l’obtention du
diplôme qui m’a conduit à mon 1er travail salarié, puis arrivent les
premières dettes pour l’achat d’une maison avec ma femme. Me voilà prendre
conscience de tout cela en cet instant, tel un grand enfant qui croyait encore
hier au père Noël, et à qui l’on vient d’annoncer que c’était une mascarade
depuis tout ce temps. Par le biais de ces dettes, le verrou est posé et la
liberté est entravée. Je suis bel et bien pieds et poings liés à mon travail.
En effet, si je ne l’honore pas, je ne pourrais plus rembourser mon crédit
immobilier, ayant des comptes à rendre à ma banque.
Quelle est donc ma marge de
manœuvre aujourd’hui pour retrouver cette liberté ? Vendre ma maison et
quitter mon travail ? Quels sont les risques pour ma femme et mes enfants
que j’entraînerais dans mon sillage ? Pour vivre où et pour faire
quoi ? Car mon diplôme universitaire ne m’a pas appris à vivre de mes
mains. Sans l’entreprise qui m’emploie et ses outils techniques et de
production je ne peux faire valoir mes connaissances acquises jusque mes 20
ans. Je suis par conséquent bloqué par la peur de ne pas arriver à subvenir aux
besoins fondamentaux.
Je pense donc qu’il est
nécessaire de revoir en profondeur le système éducatif actuel. L’école doit
apprendre dans un premier temps les bases de la vie conduisant à l’autonomie,
tout en apprenant aux élèves à résoudre des problèmes de la vie de tous les
jours en coopération. Ensuite, dans un second temps si tel est leur choix,
continuer des études plus complexes. Si je regarde dans le rétroviseur de ma
scolarité, combien de notions abstraites et compliquées sont tombées dans les
limbes alors que j’étais censé les maîtriser à l’époque ? Une large
majorité.
Maintenant, gagner ma vie par le
fruit de mon travail est toujours
possible, et tout plaquer est un choix qui m’appartient (et que je dois
discuter en couple). Cela demanderait des efforts considérables et la nécessité
de mettre une croix sur des habitudes de vie confortables dont on ne se rend
même pas compte. Suis-je prêt à vivre cela en emportant avec moi ma famille
directe ? Me sens-je suffisamment réfléchi et préparé ? Certains
l’ont déjà fait et on retrouvé quiétude et bonheur simple. Pourquoi ne pas
commencer par regarder vers eux avant d’agir trop vite ?